L’INTEGRATION DES ETRANGERS : UNE QUESTION CONTEMPORAINE ?
Débat animé par Marie-Claude Blanc-Chaléard, avec la participation de Pierre Milza, Nancy Green, Nassira (… ?) et Zaïr Kédidouch (?). Les noms de ces 2 derniers intervenants, qui ont remplacé Dominique Schnaper et Michel Wieviorka, n’apparaissent pas dans le programme des Rendez-vous.

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Compte-rendu réalisé par Michel SOUVIGNY

Vendredi 18 octobre 2002

M. Cl.  Blanc-Chaléard :

Le mot « intégration » envahit l’espace public. Quel est le sens de cette « invasion » ?

En 1991 le gouvernement a créé un secrétariat à l’intégration; aujourd’hui, il existe un Haut Conseil à l’intégration.

On oppose :

·        Les migrations anciennes, qui se sont intégrées

·        Les migrations actuelles « qui ne s’intègrent pas ».

P. Milza :

Qu’en a-t-il été de l’intégration « facile » de l’immigration ancienne ? Prenons l’exemple de celle des Italiens.

C’est une des plus anciennes : elle va de 1870/1880 jusqu’à la désindustrialisation.

Les Italiens ont été les plus nombreux de 1900 à 1970. Beaucoup occupent aujourd’hui des positions importantes.

La réalité n’a pas toujours été aussi facile :

·        Se sont intégrés ceux qui sont restés; or, ceux qui sont repartis sont les plus nombreux; certains venaient, partaient, revenaient…

·        Les conditions d’intégration ont souvent été très difficiles : en 1900, à Marseille, 1 habitant sur 5 est Italien, et les conditions de vie sont très dures, à cause de la violence, de la xénophobie, du racisme : les Italiens sont souvent considérés comme des sous-hommes En 1881, ont lieu les « vêpres marseillaises » : un banal accident dégénère en chasse à l’Italien. En 1893,des émeutes, à Aigues-Mortes, font 8 morts officiels. En 1894, l’assassinat de Sadi Carnot provoqua une chasse à l’homme à Lyon et dans d’autres villes. Le sommet est atteint après la guerre, avec le mythe des bombardements italiens en 1940.

Puis, les Italiens s’intègrent dans la société française.

N. Green :

Le terme intégration est venu après une critique du mot assimilation, jugé trop univoque.

Aux Etats-Unis comme en France, il existe un débat entre le passé et le présent.

Les immigrés d’hier avaient de gros problèmes :

·        lois des quotas

·        distinction entre les nouveaux immigrés (Italiens, juifs, Européens de l’Est…), considérés comme non assimilables, et les anciens (Allemands, Scandinaves, Irlandais…), qui, eux-mêmes, avaient été en but aux critiques lorsqu’ils étaient arrivés, dans la seconde moitié du XIXème s.

Nassira… (?) :

La doctrine de l’assimilation s’est d’abord appliquée aux Français d’Algérie, puis on a assisté à un glissement vers les migrants seulement.

Aujourd’hui, ce qui est nouveau, c’est que les enfants de migrants sont en question : ceux des migrants anciens sont « invisibles ».

Z. Kédidouche (?) :

On dit des immigrés qu’ils font trop de bruit, qu’ils sont trop nombreux…Le système républicain égalitaire est d’une grande hypocrisie, on tourne en rond !

Peut-on comptabiliser les jeunes issus de l’immigration ? Oui, pour faire des études scientifiques, faire un diagnostic, savoir où on en est.

Le président Chirac parle de contrat d’intégration pour les futurs arrivants (environ 50.000 par an). Les autres, on ne sait plus comment les appeler…

Nassira :

L’intégration est une notion épuisée : les migrations sont pérennes, elles vont continuer ; l’intégration ne peut pas continuer à être la réponse ; elle est toujours considérée comme une fin en soi, indiscutable.

On assiste à une rupture historique entre les migrations anciennes et celles d’aujourd’hui : les individus revendiquent leurs différences, et ne sont plus « transparents ».

On renvoie les enfants et leurs parents à leur « inassimilabilité ».

Z. Kedidouche :

Le match France-Algérie est l’exemple même d’un échec de la politique d’intégration.

N. Green :

Apparemment, il faut choisir entre s’intégrer ou conserver sa différence ; en réalité, en France comme aux Etats-Unis, les 2 se passent à la fois. Il existe une mixité des possibilités d’intégration et de différenciation.

Enfin, il faut tenir compte de l’environnement économique.

P. Milza :

Des matchs de foot, ça a toujours existé, la contestation des jeunes aussi.

On a fabriqué la France avec des Bretons, des Auvergnats…On a « formaté ».

Est- ce que l’on s’est contenté de formater, ou bien y avait-il aussi une idée d’universalité, et ce modèle existe –t-il encore ?

Y a-t-il un modèle français d’intégration ? Quelle est cette idée ?

N.Green :

Le mot « modèle » m’effraie ; il s’oppose au modèle américain de communautarismes, qui ne correspond pas à la réalité.

Aujourd’hui, nous sommes dans une période d’ intérêt aux origines, depuis environ 30 ans, en France comme aux Etats-Unis.

M Cl. Blanc-Chaléard :

Pourquoi ? A quoi cela correspond-il ?

Nassira :

La doctrine assimilationniste  a d’abord été appliquée, en France, aux Français. Nous sommes dans une société industrielle, d’où le besoin d’une main-d’œuvre «  formatée ». A cela s’ajoute une idée jacobine : les gens doivent être tous pareils ( ?).

Que se passe-t-il dans un contexte de crise ? On demande aux migrants de s’intégrer dans des niches d’exclusion…

On est passé à une autre époque, et l’intégration classique est révolue.

Z. Kedidouche :

Le débat est politique, la réponse aussi.

Pour la 1ère fois, la 2ème ou la 3ème génération est dans une situation catastrophique, à quelques exceptions près ; on est en présence, à la fois, d’une exclusion économique et d’une intégration culturelle.

P. Milza :

Les éléments qui permettaient l’intégration sont en panne, depuis à peu près 10 ans, et ils le resteront tant qu’on ne pourra pas offrir un travail (industriel autrefois).

L‘école, les partis politiques, les syndicats, ont été, autrefois, des instruments d’intégration. Or, que reste-il du PC ?

Le  modèle américain est assez mythique

Les différences entre le modèle français et le modèle américain ne sont pas très importantes Le modèle français est abstrait, intellectuel.

M.Cl. Blanc-Chaléard :

Ainsi, on aurait assisté à une perte du rôle intégrateur du milieu ouvrier ?

N. Green :

Le travail, l’usine, étaient des moments où les gens se rencontraient, les partis politiques et les syndicats aussi.

Aujourd’hui se pose le problème de la désindustrialisation : on trouve quelques étrangers dans le secondaire (ex : la confection) ou le tertiaire (les petits commerces).

Il faut trouver de nouveaux espaces.

Nassira :

Que restait-il aux ouvriers au chômage ? La religion musulmane, par exemple, qui n’a pas été gérée collectivement.

M. Cl. Blanc-Chaléard :

Autrefois, les conflits se situaient du côté du monde ouvrier ; depuis les années 60, on assiste à la montée d’une série de groupes culturels (immigrés, femmes, homosexuels…), et il faut négocier entre ces groupes culturels.

Retrouve-t-on cela dans la politique d’intégration en France ?

P. Milza :

Il y a quelques années, on a émis l’idée d’un musée de l’intégration; mais de l’intégration à quoi, à un moment où l’on voit se développer l’idée de région, et d’Europe ? Or, les nouvelles vagues d’immigrants arrivent, et nous en avons besoin.

Le racisme est en train de se focaliser sur les gens de l’Est, les Roms par exemple.

N. Green :

Quand la société est confiante en elle-même, elle accepte l’autre.

Michel SOUVIGNY

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