RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE DE BLOIS
Samedi 14 Octobre 2006

Rencontres PRO

Le travail forcé dans l’univers concentrationnaire

En relation avec le Concours de la Résistance et de la Déportation 2007

Modérateur : Mme Joëlle DUSSEAU, Inspectrice Générale de l'Education Nationale, groupe Histoire-Géographie, présidente du Concours de la Résistance et de la Déportation

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Compte-rendu établi par Françoise Beauger-Cornu,
Collège Maurice Genevoix, Romorantin

Aleth BRIAT, professeur honoraire, membre de l’APHG rappelle l’histoire de ce concours national fondé en 1961 par Louis François, IG.

 

Michel FABREGUET, professeur à l’Institut d’études politiques de Strasbourg évoque d’abord les fonctions du travail dans les camps de concentration. Les détenus sont mobilisés à la construction des camps et à leur entretien. Le travail inutile est aussi primé comme creuser une fosse pour la combler le lendemain : il s’agit d’éloigner tout projet de révolte. L’Arbeitseinsatz est la mobilisation pour le travail forcé au profit des SS puis du Reich. On perçoit les dimensions économiques des camps à partir de 1937-1938 : les détenus sont mobilisés par un grand nombre d’entreprises allemandes.

Le travail des détenus était-il rentable ?

M. Fabréguet cite une entreprise concentrationnaire SS " Terres et pierres allemandes " fondée en 1938 qui exploitait des carrières de granit et fabriquait des briques. La rentabilité des carrières de granit s’oppose au déficit des briqueteries (en raison d’erreurs de gestion). L’activité économique permet de montrer l’inscription en profondeur du système concentrationnaire dans l’opinion allemande : des contrats sont passés avec des banques, des négociations avec des collectivités territoriales s’effectuent…

L’entreprise est discrète sur l’origine de sa main d’œuvre (les travailleurs civils libres et concentrationnaires). Mais les profits réalisés par l’entreprise sont liés au nombre de détenus : 3000 en février 1940, 15000 à l’automne 1942. M. Fabréguet met en avant l’incohérence de la gestion : l’abondance de la main d'oeuvre supplée à la faiblesse des rendements qui est à mettre en relation avec l'absence d'orientation professionnelle. L'organisation du travail est rudimentaire et le climat de violence incessant. Pour louer cette main d'oeuvre, il faut compter en 1942 0,3 Reichsmark par jour donné à la SS. Ce loyer a augmenté sous la pression des entreprises privées: 4 Reichsmark pour un manoeuvre, 6 pour un spécialiste.

La mobilisation des détenus relève-t-elle d'un comportement opportuniste ou de considérations politiques ?

Le problème de la rentabilité est une question délicate qui pose le problème des sources et des méthodes.

Les industries métallurgiques et électriques ont gagné à employer des détenus ce qui n'est pas le cas dans la construction (la productivité des détenus est estimée à 1/3 de celle d'un travailleur libre).

 

Conclusion : Les concentrationnaires ne sont pas meilleurs marchés que les travailleurs libres. Les facteurs politiques priment sur les facteurs économiques.

On assiste à un effondrement des valeurs morales.

 

J. DUSSEAU rappelle qu'en 1942 les armées allemandes sont extrêmement mobilisées. On prend conscience que pour faire tourner l'industrie il faut de la main d'oeuvre (prisonniers, STO, mais aussi main d'oeuvre concentrationnaire). Les déportés vivants passent de 90000 en 1942 à 700000 en 1944.

 

Yves LESCURE, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation commente le thème du travail dans l'univers concentrationnaire.

Les détenus étaient des êtres de non droit, une main d'oeuvre destinée à être consommée " détruite de façon rentable ". Le travail touche à tous les rouages. Des hiérarchies se dessinent : SS, détenus... Il y avait de nombreux problèmes entre les détenus : des conflits, des luttes d'influence entre certains organismes. L'arbitraire, le hasard présidaient. Pas deux déportés n'ont eu le même parcours.

Mr Lescure met en avant deux paradoxes :

Il suggère quelques angles de réflexion :

 

Cédric DELAUNAY et Jean-Philippe DESMOULIERES, professeurs, soulignent l'apport des témoignages.

Compte-rendu établi par Françoise Beauger-Cornu,
Collège Maurice Genevoix, Romorantin

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