RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE DE BLOIS
Samedi 15 Octobre 2005

Les polythéismes sont-ils tolérants ?

Intervenants : M. Sartre (modérateur), J. Scheid, P. Vernus, G. Tarabout.

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Compte-rendu établi par Eric MAGNE,
Lycée Claude de France, Romorantin

Sartre : La coupure entre monothéisme et polythéisme est-elle si nette que l’on veut bien l’entendre ? Le polythéisme est-il plus archaïque ?

 

Vernus (spécialiste de l’Egypte ancienne) : Pour les Egyptiens, les dieux et les hommes sont fait d’une même substance ou essence et ils luttent pour garder la création contre le non-être. Il y a un dieu unique correspondant au créateur (il est le 1er) de qui naissent d’autres dieux.

 

Scheid (spécialiste du monde gréco-romain) : Le polythéisme est un terme tardif que l’on doit au christianisme (Saint Augustin : " la foule des petits dieux "). Le polythéisme est une façon complexe d’envisager le divin. Il n’y a pas de créateur chez les Romains, pas de métaphysique. Ils se demandent comment les dieux interviennent. Pour les Romains, Jupiter par exemple, ne peut pas intervenir partout en même temps. C’est pourquoi les " grands dieux " sont déclinés (Mars combattant, Mars victorieux…).

Cette religion est donc réduite à des rites (pas de Révélation). C’est une théologie immanente qui se créé au fur et à mesure des actions et des questionnements des croyants. En outre, pour les premiers chrétiens, les autres dieux sont toujours là mais sont considérés comme des démons. Peut-on alors parler de monothéisme ?

 

Tarabout (spécialiste de l’Inde contemporaine) : Le polythéisme n’est pas archaïque (il suffit de se rappeler que l’Inde est une puissance nucléaire). Dans les " basses " castes on trouve un polythéisme de type gréco-romain, dans les castes supérieures et érudites, le discours est plus savant et métaphysique. Les deux sont en interaction.

Pour les hindous, le divin dépasse l’entendement (et en ce sens unique). Dés que l’on s’aventure à lui donner un nom, un sens, alors on le décline et on arrive dès lors à une pluralité de formes divines. Il se créé encore en Inde des divinités. Pour les hindous, il y a des dieux pour tout, ce que Tarabout résume en disant que " pour faire un retrait bancaire, on ne s’adresse pas au PDG de la banque mais au guichetier " !

 

Sartre : L’opposition monothéisme / polythéisme est donc peu fondée (que l’on songe au rôle des saints dans le christianisme). Le polythéisme est une manière de fractionner le divin pour le rendre opératoire en fonction des besoins.

 

La proximité, l’intimité est-elle plus forte dans les polythéisme ? Cela implite-t-il donc une plus grande tolérance ? Ces dieux sont-ils jaloux ?

 

Vernus : En Egypte ancienne, le croyant recourt à l’oracle de dieux différents tant que la réponse ne lui apparaît pas satisfaisante !

 

Scheid : Les dieux sont liés à des communautés ayant chacune leur panthéon. Il n’y a pas d’autorité supérieure qui chapote le tout et dit les dieux auxquels il faut croire. Au sens restrictif, la religion romaine ne concerne que la ville de Rome.

Il y a une intolérance mais qui est plus sociale que religieuse. Les autorités temporelles sont intolérantes mais pas les croyances. Une religion peut faire l’objet d’intolérance au nom de l’ordre public. C’est sur ce critères que les chrétiens sont accusés et non pour leur dieu en tant que tel.

 

Tarabout : Les hindous sont tolérants car prêt à adorer plusieurs dieux, ils tolèrent l’Islam comme une voie possible. Ici aussi, l’intolérance est liée à l’ordre social établi que les divinités doivent garantir. Dans le contexte de la décolonisation, il existe cependant un hindouisme radical au niveau du Cachemire.

 

Sartre : L’exemple du sac de Jérusalem par Antiochos IV conforte l’idée que l’enjeu est lié à la remise en cause de l’ordre social ou politique. Antiochos répond à une révolte des juifs ayant un fondement religieux mais pour une raison de rétablissement de son autorité politique dans son empire.

 

Vernus : On peut citer deux cas d’intolérance :

Le cas Akhénaton (à la suite d’une question) : C’est une sorte de secte dont le pharaon serait le gourou. Ce dernier a " confisqué " toute relation entre les individus et les dieux, a voulu mettre fin à la piété. Il ne s’agit pas d’une lutte contre le clergé.

 

Salle : Le polythéisme est-il plus tolérant dans la mesure où il n’a pas de dimension universelle ?

 

Scheid : En effet, il n’est pas révélé, n’est pas fondé sur un absolu, une vérité, un dogme. Il n’y pas ou peu de cas de prosélytisme. Il y a cependant un prosélytisme implicite dans le sens où on obtenant la citoyenneté romaine par exemple, il s’impose un certains nombre d’obligations religieuses. En outre, on sait que Rome apporte ses divinités dans les cités conquises.

Compte-rendu établi par Eric MAGNE,
Lycée Claude de France, Romorantin

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