RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE DE BLOIS
Vendredi 14 Octobre 2005

Débat : Persécutions et violences religieuses 

Organisation : D. Crouzet, professeur à Paris IV

Intervenants : M.F. Baslez (Paris XII), Rémy Madinier (chargé de recherche au CNRS), Claude Markovits (directeur de recherche au CNRS, spécialiste Asie du Sud), Mario Turchetti (Université de Fribourg), Nicolas Werth (directeur de recherche au CNRS, spécialiste du communisme).

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Compte-rendu établi par Emmanuel GAGNEPAIN,
Lycée Jean Monnet,
Joué lès Tours

La définition du mot :

Apparaît au IIème siècle av JC dans le Judaïsme, le vocabulaire est à l’origine juridique. Tout condamné est obligé à une présence. Ceux qui ne viennent pas sont poursuivis à magistrats persécuteurs. Pour les chrétiens, il en fut de même. C’est donc une procédure d’application et la violence s’explique car la peine encourue, est la mort.

A l’époque moderne, François 1er fait des lois contre les hérétiques. La législation contre les hérétiques née en 1215 au concile de Latran, crée l’Inquisition. Les persécutions se multiplient ( Genève ).

En Inde, les rois hindous ont persécuté les bouddhistes et les djaïdistes ( considérés comme hétérodoxes ).

Dans l’Islam indonésien, la persécution joue une part importante dans la politique de violence par les médias musulmans de Java # les Moluques. On persécute et en même temps on cherche à montrer que l’Islam est persécuté.

En URSS, la notion de persécution religieuse est peu importante. Les schismes n’ont pas entraîné de grandes violences. L’Eglise est un département de l’Etat.

Ce que produit la persécution : le martyr , victime ou héros ?

Dans l’Antiquité, les premières persécutions sont pour les juifs par les grecs, puis les chrétiens. Le martyr fait objet de réflexion dès l’époque. Ils sont conscients de l’engrenage de la violence,e t de risquer la mort. Mieux, ils la provoquent verbalement, en insultant les persécuteurs.

Faut-il rechercher la mort ? Toutes les attitudes coexistent, mais il s’agit d’atteindre la résurrection. C’est donc une occasion de réflexion chez les Juifs et les Chrétiens
Au XVIème siècle, les persécuteurs deviennent persécutés. Calvinistes sont des fidèles, ils sont persécutés et seront persécuteurs après. Le martyr est un témoin, et devient celui qui supporte la violence. Le paradigme change à cette époque. Le martyr perd sa capacité de résistance.

Au Timor oriental, les gens commettant des attentats suicides se réclament de martyrs. Au départ, c’est celui qui meurt pour l’Islam . Mais en commettant ce type d’attentats, on projette la mort autour. S’y rajoute la dimension du nationalisme, plus profond que l’individualisme. Le martyr devient l’arme du pauvre/ riche. La logique est donc exacerbée.

Lors du glissement vers une violence massacrante, L’Etat baisse-t-il les bras ? ou Est-ce organisé parfois par l’Etat ?

Markovits : 1ers attentats suicides sont perpétués par les Tamouls ( kamikazes ? ). Les violences fortes aboutissent à la partition. L’Etats dans ce cas a assuré la coordination.

N. Werth : En URSS ? l’Etat a tenté d’éliminer la religion, par la privation des droits civiques des prêtres( 1918), ou par la fermeture d’églises. Vers 1930, L’Etat ordonne la déportation des prêtres et enfin la Grande terreur stalinienne voit l’exécution massive de 40000 clercs environ. Cela prend fin avec l’appel au grand sursaut patriotique de la seconde guerre mondiale. Malgré tout, le refleurissement de la religion est réapparu : 57 % des soviétiques disaient croire en Dieu . Aujourd’hui, le culte progresse, et les lieux d’exécution massive deviennent des lieux de culte pour les martyrs, avec édifications d’églises.

Baslez : Dans l’Antiquité, l’Etat n’était pas persécuteur. On cherchait à absorber le nouveau culte. Le christianisme de toute façon est pluriel ( judaïsme et grec ) , et il trouve son unité dans l’Empire Romain. Quand Constantin se rapproche du christianisme, il laisse l’autorisation des temples païens, mais interdit les sacrifices. Après Nicée ( 325 ), on condamne les hérésies, mais on ne les poursuit pas. Ni bûcher, ni autodafé.

Au sein même des chrétiens, il n’y pas de violence entre les communautés déviantes et catholiques.

Le basculement date du Moyen-Age, où pour des raisons économiques et sociales, les juifs vont être persécutés. La notion de peuple déicide apparaît tardivement.

Madinier : La persécution est légitimée par la violence. Des milices se forment à la fin des années 90, et vont se substituer à l’Etat, devenu déliquescent. Ce sont les milices qui luttent contre des lieux de vices et pour une nouvelle morale.

Les violences viennent de milices qui massacrent des chrétiens au nom de la défense de l’Islam, et légitiment cela par une fatwa. Les musulmans dépassent l’Etat, car il n’est plus capable de protéger les musulmans.

Werth : en URSS, l’Etat organise des actes sacrilèges, ou les laisse faire. Les popes sont obligés d’élever les cloches, puis de les briser ( de même pour les icônes ). Mais les massacres sont différents : ils ne sont pas publics, mais dans l’ombre ( 800000 personnes exécutées en deux ans dans la Grande terreur le sont dans l’ombre ).

Les conditions nouvelles qui déterminent ces temps nouveaux : des poussées d’eschatologie ? de millénarisme ?

Baslez : Chez les juifs, les chrétiens et les égyptiens, la notion d’eschatologie est importante, et est souvent le signe de la volonté de Dieu. La violence est donc voulue par Dieu. On a l’espérance eschatologique d’un avenir après toutes ces persécutions. ( Maccabées ( 2ème siècle av JC ), Juifs contre Rome ( 60-70 et 135 ), les esséniens sont aussi apocalyptiques,…

Madinier : l’eschatologie est importante, on croit en Indonésie à un état de guerre finale, qui justifie la violence. On a l’impression d’une cause commune avec la guerre israélo-palestinienne, et la peur existe d’une invasion du Timor oriental par l’Australie…des rumeurs circulent, qui ont un grand rôle dans les massacres.

Werth : Chez les soviétiques enfin, l’Homme Nouveau est athée . On attend et on prépare sa venue dans l’URSS, l’eschatologie est donc présente.

Compte-rendu établi par Emmanuel GAGNEPAIN,
Lycée Jean Monnet,
Joué lès Tours

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