Compte-rendu établi par Eric MAGNE,
Lycée Claude de France, Romorantin

Charpin : Dans les civilisations mésopotamiennes il y a des " figures royales ". C’est significatif sur le thème de la justice qui est une prérogative royale. L’image du bon pasteur, du roi juste s’impose dans tout le Proche Orient. Le souverain remet les dettes, fait des amnisties. Cette prérogative se poursuit dans les royautés médiévales et modernes et jusque dans les pouvoirs du président aujourd’hui.

La Bible est une réflexion sur l’Histoire que soit elle embellie ou qu’elle analyse dans les échecs (Exil babylonien).

Lemaire : La question de la " royauté d’Israël ". La Bible offre deux lectures.

Une lecture historique :

La royauté n’a pas toujours été le modèle pour les Juifs de l’ancien Israël. L’organisation a longtemps et souvent été celle des tribus. Les rois apparaissent avec Saül (XIème AVJC) qui a d’ailleurs une très mauvaise image. Il y a deux figures du roi : celle du chef de guerre (Saül, Akab) et celle roi administrateur, organisateur (Josias).

Après l’Exil, les Juifs vivent de nouveau sans royauté. Ils sont alors sous l’autorité des " anciens " et des prophètes. EN 539 AVJC, Cyrus autorise le retour en Palestine. Il a donc fallu aux Juifs se situer dans ce nouveau contexte. Dans la province de Juda, les Perses s’appuie sur la dynastie davidique. La mission d’Esdras est de rassembler la tradition.

Une lecture historiographique :

Elle est un regard critique sur tous les modèles politiques. Samuel critique la royauté temporelle. La Bible n’est pas pour autant pour l’anarchie ou la démocratie villageoise (question du public) dont on ne trouve pas de trace tangible. Elle relativise cependant la royauté comme modèle et peut remettre en cause l’image des " bons rois " comme David et Salomon.

Baslez : Si la Bible ne propose pas de modèle, en tout cas elle est lue comme telle. Dans l’Ancien Testament, il y a la continuité de la domination étrangère et dans le Nouveau Testament, la séparation entre le temporel et le spirituel (" rendez à César… ").

La Bible offre des lectures, des figures qui ont valeur de paradigmes. Pas vraiment du roi (David est montré en fait comme un modèle de piété et non de bon roi. Les pharisiens par exemple refusent jusqu’au martyr le roi qu’ils considèrent comme un " accumulateur " des pouvoirs politique et religieux. Chez les Esseniens il y a un Messie prêtre et un Messie roi.

La figure la plus manifeste est celle du juge (Josué).

Dès l’Exil, il y a le défi de l’Etat dispersé. Les juifs s’aperçoivent que l’on peut vivre son judaïsme quel que soit le cadre politique (cela aboutira après 70AVJC au judaïsme rabbinique). Il y a très tôt une distanciation entre le religieux et le politique.

Esther et Tobith sont des textes qui montrent qu’il est possible de vivre sa foi dans le contexte hellénistique. Daniel et Baruch sont écrit dans un contexte de persécutions mais expriment la possibilité de continuer la croyance. En fait, ces textes (auxquels on peut ajouter les Sagesses, les Epîtres) montrent le rôle fondamental de la famille, des codes domestiques dans la perpétuation de la croyance. On en arrive à une distinction public / privé.

A la suite d’une question, MF Baslez, précise que son propos s’appuie sur la version chrétienne de la Bible et donc sur des textes que le canon juif n’a pas retenu.

Question du public : Y-a-t-il de vrais exemples de théocratie ?

Charpin : A Sumer, il y a le mythe d’un roi-prêtre. Dans la cité gréco-romaine, le religieux est le support du politique : le procès de Socrate, les persécutions chrétiennes en témoignent.

Pouthier : en guise de bilan, on peut dire qu’il y a deux modes de lectures de la Bible :

• téléologique : faire advenir les prophéties (approche chrétienne)
• comme paradigme : répondre aux situations vécues. Dans ce cas, des modèles politiques ont pu être analysés, voire valorisés à certains moments mais pas au point de faire de la royauté par exemple un modèle. Cette idée du modèle royal va davantage être une interprétation des monarchies à partir de l’époque médiévale.

Voir d'autres CR