RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE / BLOIS
Dimanche 17 Octobre 2004

Où va la démocratie américaine ?

Débat d’actualité animé par Dominique Simonnet et Michel Winock, avec Nicole Bacharan, Denis Lacorne et Christine Ockrent.

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CR

Compte-rendu établi par Françoise Beauger-Cornu,
Collège Maurice Genevoix, Romorantin

   M. Winock introduit le débat en évoquant notre hostilité croissante à l’endroit des USA. Nous sommes attentifs à tout ce qui s’y passe car nous pensons que nous dépendons des USA ; Quels sont les principes fondamentaux de la démocratie américaine ?

  N. Bacharan rappelle deux éléments importants. La république américaine est fondée sur deux attitudes en apparence opposées : un grand optimisme et un pessimisme fondamental.
   Le grand optimisme est inscrit dans la déclaration d’indépendance " nous tenons ces vérités évidentes pour elles-mêmes… " A la fin du XVIIIe siècle, cette phrase est totalement révolutionnaire et l’idée que l’on a droit de rechercher l’idée de bonheur fonde le rêve américain. On retrouve néanmoins le pessimisme et même le cynisme chez les pères fondateurs avec l’idée que le pouvoir est corrupteur, les hommes pas bons…D’où une constitution prudente faite de poids et de contrepoids et une certaine méfiance afin de protéger les droits individuels.

  Selon D. Lacorne, les pères fondateurs ne sont pas pessimistes mais réalistes. Il évoque ensuite les grands électeurs. Ce mécanisme très compliqué de démocratie indirecte remonte au XVIIIe siècle car la hantise à cette époque est la démocratie directe incontrôlée. Malgré ses archaïsmes, ce système pratiquement intouchable continue à vivre. L’élu est celui qui la majorité des grands électeurs. C’est le paradoxe d’une élection nationale qui est en fait une élection locale.

   C. Ockrent est interrogée sur les deux grands partis. Les deux grands partis, républicain et démocrate, ne correspondent pas à nos notions de gauche et de droite.
   Le parti démocrate est un parti historiquement allié aux syndicats. Il est le garant d’un pouvoir central.
   Pour le parti républicain, le gouvernement central doit être minimum. Il est contre les impôts, pour la peine de mort et le port d’armes, comme d’ailleurs beaucoup de démocrates.
   Bush s’appuie sur un électorat religieux.

  N. Bacharan : On assiste aujourd’hui à un vrai durcissement des partis. Ils ont perdu l’idée d’un compromis.
   A partir de Reagan, le parti républicain est plus homogène. Mais les ultra conservateurs ont pris une très grande importance.
   Le parti démocrate est affaibli car il est très difficile de succéder à Clinton qui s’était situé au centre. Le parti démocrate est aujourd’hui un peu décomposé.

   D. Lacorne évoque la conquête du Sud par les républicains : c’est Johnson qui a fait passer de grandes lois intérieures qui ont fait perdre le Sud aux démocrates.

   C. Ockrent rappelle que le parti démocrate a perdu le Sud au moment où les démocrates ont choisi l’émancipation des noirs.
   Bush enracine le parti républicain au Texas. Il n’est pas prisonnier de l’électorat religieux, il en fait partie, il parle la même langue. Bush fait partie de ces gens qui pensent que tout est écrit dans l’Ancien Testament.
   Ce qui est nouveau dans le parti républicain, c’est l’alliance quasi indéchiffrable pour nous entre l’équipe de Bush issue d’un Sud très religieux et les intellectuels qui sont passés de l’extrême gauche à la droite par rejet du communisme. Cette rencontre entre la droite religieuse et les intellectuels est très puissante.

   D. Lacorne est interrogé sur les déterminants du vote religieux aux USA. Selon lui, Dieu est partout aux USA et nulle part. Rien n’oblige les présidents à jurer sur la Bible et pourtant ils le font. La constitution des USA ne fait aucune référence à Dieu ou à l’être suprême.
   C’est au XIXe siècle que l’on invente une nation protestante. L’évangélisme devient dans le protestantisme la mouvance dominante. L’histoire de la conversion de Bush est surprenante car il s’est inventé une conversion.

   C. Ockrent signale que le clergé catholique est hostile à Kerry. La carte religieuse est néanmoins très compliquée : le vote juif est traditionnellement démocrate mais l’alliance chrétienne sioniste est forte avec les républicains.

   Sur l’enjeu de l’élection, N. Bacharan indique qu’il est peu probable que le Sénat soit reconquis par les démocrates. Si Kerry est élu, il y aura négociation permanente entre les Représentants et le Sénat car le Congrès ne sera pas démocrate.
   En cas de réélection, le second mandat Bush risque d’être difficile : la coalition républicaine est très hétéroclite et le milieu des affaires ne soutiendra pas indéfiniment la dilapidation du budget.

   Selon D. Lacorne, le moment décisif a été le premier débat. Kerry en perte de vitesse s’est montré en position de véritable adversaire. Deux pédagogies s’opposent : du côté républicain, c’est la peur et la terreur (le thermomètre de l’alerte rouge, orange…). La pédagogie de Kerry est plus critique.

   C. Ockrent : quelle motivation va l’emporter ?
       - la peur du terrorisme ?
       - la critique de l’après-guerre en Irak ? La guerre en Irak préoccupe les Américains car pour eux,  c’est un problème de politique intérieure.
       - les délocalisations ?
      - l’avortement ?
       - la prière obligatoire ?
   La grande inconnue est le vote des jeunes nouvellement inscrits.

Questions du public :

Compte-rendu établi par Françoise Beauger-Cornu,
Collège Maurice Genevoix, Romorantin

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