RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE / BLOIS
Vendredi 15 Octobre 2004

Rencontres professionnelles Enseignants-Bibliothécaires

L'apprentissage de l'Histoire à travers les romans historiques Jeunesse

CONFERENCE : Entrer dans l'Histoire par les romans historiques

Intervenant :
Michel PELTIER, auteur en pédagogie de l'histoire chargé de mission pour le primaire auprès du SCEREN (CNDP) et responsable éditorial du site Internet http://www.bienlire.education.fr (prévention de l'illettrisme et élèves en difficulté de lecture)

Voir d'autres
CR

Compte-rendu réalisé par Fabienne Arcoutel-Thoreau,
Collège Argenton/Creuse

Introduction

Qu'est-ce qu'un roman historique ?

Il s'agit d'une évocation du passé, d'un voyage dans le temps, qui doit respecter les données historiques.

Le roman et l'Histoire

Les chercheurs situent le premier roman historique comme étant "Quentin Durward" de Walter SCOTT, auteur qui influencera profondément les écrivains romantiques.

Chateaubriand a dit de Walter Scott qu'il avait perverti le roman et l'Histoire. D'autres, au contraire, disent qu'il a popularisé l'Histoire.

Le roman historique a donné de grands films et ainsi prouve qu'il a sensibilisé à l'Histoire : "Le dernier des Mohicans", "Le nom de la rose", "La guerre du feu", ...

Le roman historique reconstruit une ambiance et le mélange de vérités et d'inventions donne une impression "d'y être": c'est plus vivant qu'un documentaire d'Histoire pure.

Raconter c'est expliquer et l'Histoire fait le récit d'événements ; d'ailleurs, comme le roman, l'Histoire trie et simplifie.

Pourquoi situer un roman dans l'Histoire et quels documents historiques efficaces et fiables utiliser ?

Le point de vue de deux auteurs :

Pour Anne-Marie DESPLAT-DUC ("Le trésor de Mazan", "Les exilés de l'an II") un événement historique fort s'impose pour écrire un roman et sa meilleure source d'information reste les Archives Départementales. Elle parle du plaisir de la recherche, de son côté "brocanteur". Elle s'applique également à la lecture d'essais historiques et juge qu'il faut effectuer une promenade sur les lieux.

Brigitte COPPIN trouve que partir en voyage dans l'Histoire a quelque chose d'exotique. Elle dit réaliser un véritable travail de détective pour la vraisemblance de son récit (elle peut par exemple être amenée à rencontrer des pompiers pour vérifier la crédibilité de son histoire s'il y a noyade...). Elle impose une distanciation pour contrôler la charge émotionnelle et souhaite faire de la didactique avec légèreté.

Support et nature du récit historique : deux classements

1/ les différents supports du récit historique

* roman d'aventure : "Les orangers de Versailles", Annie PIETRI

* roman policier : "Le noyé du canal Saint-Martin", Alain BELLET

* roman initiatique : "Le pionnier du nouveau monde", Michel PIQUEMAL

* roman épistolaire, journal : "Si je reviens...", Corine DEMAS

"Le journal d'Anne Frank"

* pastiche, parodie : "Petit Féroce champion de la jungle", Paul THIES

* conte, légende : collection "Contes et légendes", NATHAN Jeunesse

* fausse autobiographie : "Moi, Magellan", Yvon MAUFFRET

* vraie autobiographie : "Escadrille 80", Roald DAHL

* livre dont on est le héros : "Le palais aux 100 festins", Annie PIETRI

* science-fiction : "L'éclair qui effaçait tout", Philippe ELBY

* adaptation de film, scénario : "Effroyables jardins", Michel QUINT

* nouvelles, histoires courtes : "15 histoires de Far West", HACHETTE Jeunesse

* album : "Il faut désobéir", Didier DAENINCKX

* revue : "Je lis des histoires vraies", FLEURUS Presse

* trames enchâssées avec changement de narrateur : "Le secret de grand-père",

Michael MORPURGO

* roman d'amour : "Loin de Grenade", Michel COSEM

* B.D.

Ces différents supports traversent toutes les époques historiques, mais sont surtout marqués par l'histoire de France, qui est très présente, celle de l'Europe et celle des régions.

L'offre éditoriale est très riche pour la Préhistoire, le Moyen-Âge et la période 1939-1945.

Elle est pauvre, voire épuisée, en ce qui concerne les Grandes invasions, 1870, la Commune.

Par contre elle débute à propos de Mai 68.

Il faut également considérer les effets de mode : la Révolution française (Bicentenaire en 1989), Alexandre Dumas (Bicentenaire de sa naissance en 2002), Victor Hugo (id.)

2/ les différentes natures du récit historique

* le roman historique : emprunte les décors, les lieux, l'atmosphère et les personnages de l'Histoire mais relève de la fiction

"Claudine de Lyon", Marie-Christine HELGERSON

"Cheval de guerre", Michael MORPURGO

* la fiction documentaire historique : la mise en récit est une fiction mais l'information prime sur l'intrigue et les personnages

"Les esclaves en Amérique du Nord", Hélène MONTARDRE

"Pas facile d'être prisonnier des pirates !", John MALAM

"Gilles, la musique au temps du Roi-Soleil", Jean-Paul DESPRAT

* le récit de vie romancé : les personnages et les événements sont réels

"Dakia, fille d'Alger", DAKIA

"La jeunesse de Molière", Pierre LEPERE

* le récit de vie didactique : les personnages et les événements sont réels

"Vespucci", Gérard A. JAEGER

* le documentaire historique : purement informatif

"Le dico des chevaliers", Daniel ROYO

Histoire du roman historique

cf. la revue Textes et Documents pour la Classe intitulée "Le roman historique" :

TDC n° 520 (24/05/1989) et TDC n° 876 (15/05/2004)

Le roman historique prend son essor au XIXe siècle à travers la littérature populaire accessible à tous. Cependant, pour certains il s'agit de para-littérature ou de sous-littérature.

Au début du XIXe siècle, les livres ne sont pas facilement accessibles car ils sont en petit nombre et ils sont onéreux ; seuls les colporteurs proposent des ouvrages peu chers.

Mais dans le courant du siècle, cinq facteurs vont favoriser leur diffusion :

- la Bourgeoisie prend le pouvoir et diminue la censure

- la loi Guizot de 1833 fait augmenter le nombre des écoles

- le développement de la presse bon marché permet une bonne diffusion des oeuvres

- le roman historique est plus facile à lire que les allégories

- il convient au goût du concret des lecteurs

Quelques dates, les grands auteurs, leurs oeuvres :

* 1814-1826 : Walter SCOTT connaît un grand succès et influence le genre puisqu'on trouve des oeuvres similaires aux siennes dans toute l'Europe.

"Ivanhoé"(1820) et "Quentin Durward"(1823) sont le type d'ouvrages où le héros est le narrateur.

* 1831 : Victor HUGO publie "Notre-Dame de Paris", un roman sur le peuple que la société méprise.

Bien que traduit en neuf langues, il essuie une critique hostile : un auteur ne devrait pas intervenir dans son oeuvre.

* 1844 : avec "Les trois mousquetaires", Alexandre DUMAS, auteur prolifique, lance le roman populaire mêlé à l'Histoire et insiste sur la dramatisation.

* à partir de 1840 : le roman historique devient un roman feuilleton qui paraît en rez-de-chaussée de la première feuille du journal, tel "Les mystères de Paris" d'Eugène SUE (1842-1843).

Spécificités du genre historique

1/ Richesse descriptive

Objets, vêtements, lieux... : tous sont différents de notre époque de lecteurs, il faut donc expliquer en décrivant. Mais il est dit qu'Honoré de BALZAC était un spécialiste des longues descriptions... parce qu'il était payé à la ligne !

Nombreuses images et illustrations : albums, B.D. Même les romans contiennent parfois quelques illustrations.

Techniques d'écriture : quand une description intervient dans l'ouvrage, le récit s'arrête : les personnages sont suspendus pour une bonne compréhension de la chose décrite.

2/ Les auteurs datent leur narration

Les lieux sont nommés, décrits.

3/ Les trois types de héros

* le héros fictif associé à un personnage réel : D'Artagnan ; le page d'un roi ; ...

* le vrai héros, célébrité de l'Histoire : Louis XIV (dont la vie a très souvent été romancée) ; ...

Cet imaginaire dans la vérité permet de mieux faire comprendre des choses ardues comme l'Etiquette, la construction de Versailles...

* le héros oublié : ambassadeur ; ...

 

Conclusion

Le roman historique participe de la mémoire collective, enfouie puis ressurgie.

Ce type de récit permet d'écrire pour se souvenir et afin de comprendre le présent.

Compte-rendu réalisé par Fabienne Arcoutel-Thoreau,
Collège Argenton/Creuse

Voir d'autres CR