Les Grands Détectives de l’histoire : roman policier historique ou roman historique policier ?

Débat animé par Claude Aziza, des éditions 10/18 ;
Intervenantes : Claude Isner (x2 !) et Elena Arseneva

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CR

Compte-rendu réalisé par Isabelle Didierjean

Ce compte-rendu est incomplet (il manque la fin) pour cause de chevauchement entre les différentes manifestations.

La problématique tourne autour de l’incompatibilité réelle ou supposée entre le roman historique (intégré dans une période précise)et le roman policier (pour lequel l’essentiel est la résolution d’une énigme). En fait, les origines du roman policier sont liées à l’histoire. Elles remontent à la Bible (dans le livre de Daniel : le coupable est suivi à la trace … de farine ! Le jugement de Salomon comporte une trame policière puisqu’il s’agit de trouver la véritable mère. A propos de Jéricho, les émissaires envoyés pour voir les forces en présence sont des personnages de roman d’espionnage etc…). Zadig constitue une des premières fictions d’énigme (le chien du Vizir). L’histoire est donc toujours présente en arrière-plan des romans policiers. L’inverse est vrai aussi. En effet le Mystère de la chambre jaune n’est pas le premier mystère en chambre close, mais c’est le Comte de Montecristo : la solution de l’énigme par l’abbé dans la chambre close est déjà chez Dumas.

Il y a souvent des anachronismes car la police en tant que telle n’existe que depuis Louis XV (créée par Sartine). Le détective privé dans la Rome antique est aussi un anachronisme (S. Saylor) ou au Moyen-Age (frère Cadfael). Vidocq a créé la première agence de détective privé (ce qui a inspiré les personnages de Jean Valjean et de Vautrin). A-t-on droit à l’anachronisme dans le cas d’un souci de vraisemblance ? Dans la moitié des cas, la vraisemblance est gênée par ces anachronismes. Mais peut-être que le lecteur ne s’en préoccupe pas et qu’il est content d’apprendre des choses sur le contexte historique. Seuls les profs de latin disent qu’il n’y a pas de policiers dans la Rome antique ! Anne de Leseleuc utilise un avocat cité par Pline le Jeune : est-ce plus vraisemblable ? Créer un personnage rattaché à quelqu’un qui a vraiment existé est une pratique courante pour les histoires qui se situent avant le XIX° siècle. Pepe Carvalho (à ce propos C. Aziza nous annonce la mort de Montalbano survenue ces jours-ci…) restitue l’époque de la fin du franquisme ; le personnage a travaillé pour la CIA ; bref, il est inséré dans une trame historique. C’est comme un double de l’auteur. C’est une réalité autobiographique.

Le débat commence par une énigme ! Pourquoi deux Claude Isner ? En fait, ce sont deux sœurs qui travaillent ensemble depuis trente ans. Leur premier roman de la série se situe en 1889, à l’époque de la construction de la tour Eiffel ; le deuxième se déroule au cimetière du Père Lachaise. C’est une époque qui porte la nôtre, qui est moderne : tout démarre (techniques, littérature, peinture, anarchie avec les attentats, l’antisémitisme avec Drumont qui fait un best-seller en 1886 et qui annonce le génocide, puis avec l’affaire Dreyfus, la condition des femmes… On ne sait pas encore ce que le progrès va donner. En outre cette époque a encore un aspect « crinoline » et « éclairage au gaz »… Il n’y a pas encore de police scientifique (ce sont les débuts seulement de Bertillon). Le détective n’a à sa disposition que la déduction, l’analogie, l’instinct, l’association d’idées… Le personnage est donc un détective qui se trompe souvent. Il est souvent maladroit.

Le seul policier à cette époque se trouve dans les Frères Kip ( ?) de Jules Verne : la solution est apportée grâce à la photographie :l’œil a gardé l’image du coupable !

Elena Arseneva situe ses romans dans la Russie du XI° siècle, avec pour héros le boyard Artem. L’auteur, d’origine russe, ressent de l’empathie pour cette époque. C’est l’époque de la fondation du premier état russe (l’état de Kiev), au carrefour de Byzance et des Vikings. C’est donc une période très intéressante et peu connue. A cette époque, beaucoup savaient lire et écrire, y compris en grec et en latin, en particuliers les marchands et les nobles. Les manuscrits sont des correspondances et des chroniques sur des écorces de bouleau (le support le plus utilisé). L’épanouissement marque ce premier état russe. Il y a eu des guerres fratricides sauf durant les deux périodes pendant lesquelles la loi est respectée et où l’on peut imaginer un limier. Iéroslav le Sage et Vladimir Monomaque sont deux grands princes de Kiev. Le faste byzantin, les fresques et les icônes forment le décor de cette époque. Les meilleurs artistes byzantins viennent en Russie et les Russes vont étudier à Byzance. Leur code est moderne et en avance sur beaucoup de pays d’Europe : par exemple il faut sept témoins pour accuser quelqu’un, il faut des jurés… La peine de mort est abolie. Tout cela vient des Vikings. C’est une période peu connue car les documents sur écorces de bouleau sont en Russie et donc difficiles d’accès. L’auteur étant russe, elle a des facilités d’accès dans les bibliothèques.

Le danger de l’anachronisme est grand quand on recule dans le temps et que ce passé est exotique. L’histoire est souvent un décor, une toile de fond ou un vernis pour un roman sans profondeur. Un roman doit d’abord être un bon roman. L’anachronisme porte surtout sur la procédure policière. Dans le policier à énigme, c’est l’intelligence du limier qui prime. Les mobiles restent les mêmes : « l’homme est naturellement mauvais et le contact avec les autres le rend pire » (Marivaux). Il n’y a aucun anachronisme sur ce plan ! La reconstitution historique consiste à réinventer le passé par les descriptions, l’intrigue (l’action) et les personnages. Rien n’est gratuit : la description est là pour s’instruire, on lit pour le plaisir. Créer un contexte demande de l’information pour le lecteur, mais cela ne signifie pas pour autant l’assommer !

            Les auteurs de romans policiers suivent ou inventent des règles (cf : la liste de Van Dyne), d’où une théorisation.

            Pourquoi une intrigue policière dans un roman historique ? Pourquoi l’ajouter ? 

Elena Arseneva : l’attraction du lecteur pour le polar s’explique parce que c’est un genre ludique : l’auteur joue avec le lecteur dans le roman à énigme. Les règles à respecter sont connues du lecteur. Tout est ficelé, le lecteur participe à l’histoire, il suit les pistes (cf Edgar Poe qui a inventé beaucoup d’éléments du roman policier comme jeu). Le roman montre les émotions humaines. Dans le polar, tout est concentré : le contact entre le bien et la mal est à son paroxysme. C’est ce que dit Hitchcock. On raconte toujours la même histoire : la lutte du bien contre le mal dans les romans policiers et dans les films comme ceux d’Hitchcock. Cf aussi  La nuit du chasseur : les inscriptions LOVE et HATE sur les mains du personnage sont une image symbolique de ce genre de littérature. Le suspens n’est pas la prérogative du polar. Il y en a dans tout roman. Il n’y a pas que le suspens : cf Poe qui a créé les règles du polar : durée limitée, certaine unité de lieu et de style. Ces règles font penser à celles d’Aristote dans la Poétique. Le polar est donc la quintessence de la lutte du bien contre le mal. Le limier restaure l’ordre, contre le chaos engendré par le meurtre. En cela le polar est proche du théâtre.

Claude Isner insiste à son tour sur le caractère ludique du roman policier ainsi que sur la construction rigoureuse donnée par celui-ci.

Compte-rendu réalisé par Isabelle Didierjean

Ce compte-rendu est incomplet (il manque la fin) pour cause de chevauchement entre les différentes manifestations.

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