Utiliser le roman historique en classe
Intervenant : Dominique COMELLI 

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Compte-rendu réalisé par Thierry Flammant

Constat.

Généralement, le roman historique pour la jeunesse est :

un auxiliaire du professeur d’Histoire-Géo qui l’utilise pour son côté plus charnel que le document brut et les sensations qu’il apporte aux élèves,

un auxiliaire du professeur de Français qui lui permet de travailler en collaboration avec le professeur d’Histoire-Géo (à qui il demande, en fait, d’apporter un " contre-point " documentaire au récit fictionnel).

Cette relation entre les disciplines est souvent basée sur l’ignorance de l’autre : d’une part, le professeur d’Histoire-Géo ignore les problèmes liés à l’écriture romanesque, d’autre part, le professeur de Français ignore les " lois de l’Histoire ".

L’utilisation du roman historique en classe pourrait permettre de dépasser cette séparation.

Rappel.

En général, les romans historiques pour la jeunesse sont plutôt bien documentés (les auteurs font un réel effort en ce sens).

Les auteurs se documentent eux-mêmes sans avoir recours à une autre personne.

Ils s’efforcent, en fait, de rassurer les acheteurs des romans historiques : parents, professeurs, documentalistes très attachés à la valeur et à la rigueur de la documentation utilisée.

Les romans historiques pour la jeunesse étalent, de ce fait, très souvent, des pages entières de descriptions très documentées.

Deux problèmes se posent cependant : quelle documentation est utilisée par les auteurs (ancienne, récente, " vulgarisée ", scientifique...) et quelle traduction écrite des mentalités de l’époque concernée par le roman ?

La documentation.

La documentation utilisée par les auteurs de romans historiques pour la jeunesse est le plus souvent digérée. Il s’agit d’encyclopédies simples (pas l’Universalis...), de revues spécialisées (L’Histoire...), de biographies ainsi que de leurs souvenirs scolaires et de leurs lectures de romans historiques personnels. Ces vulgates sont souvent en décalage avec la recherche contemporaine. Par exemple, dans les très nombreux romans consacrés à la Shoah, le rôle de l’Eglise ou des gens d’Eglise comme sauveurs des Juifs est hypertrophié.

Les livres de jeunesse ont - à la différence de la littérature " pour adultes " non classique - une très longue durée de vie. Les rééditions se succèdent avec des couvertures différentes et des changements d’éditeurs fréquents. Un de succès des C.D.I., L’Affaire Caiüs, a été écrit il y a ... plus de 80 ans ! C’est dire si depuis les années 20, la recherche sur la Rome antique a évolué.

Les trois axes du roman historique pour la jeunesse.

Il s’agit d’un récit.

Les personnages - notamment le personnage principal - sont des acteurs, ils agissent sur les événements.

Le héros ou l’héroïne sont toujours un peu plus âgés que le lecteur visé (sinon le livre n’a aucun succès, l’identification étant impossible).

Pistes de travail en classe.

L’action est-elle vraisemblable ? La question permet à la fois de vérifier la pertinence de la documentation, le rapport aux faits historiques et la compréhension de la mentalité de l’époque (trop de romans prêtent aux personnages des sentiments, des mots, des comportements totalement anachroniques).

L’identification de l’élève (surtout en collège) permet de dépasser l’écart entre la vie à l’école et la vie à l’extérieur. Le roman historique permet de vivre des émotions par l’intermédiaire du héros (c’est le rôle essentiel de la littérature).

Quel temps pour écrire l’Histoire ? Le professeur parle au présent ou au passé composé alors que la fiction historique utilise le passé simple ou l’imparfait. Comment raconter au présent ce qui s’est passé ? C’est très difficile pour les élèves (l’évaluation des manuels révèle l’utilisation systématique du présent).

Le rapport entre le passé et le présent permet de travailler sur les représentations (puisque le passé est passé). Pour les élèves, ce qui est écrit est vrai. Comment écrire en " je " sans anachronisme ? Que cherche-t-on dans les romans historiques ? L’évasion ? La leçon d’histoire ? La compréhension du présent ?

Qu’est-ce qui distingue un texte d’historien d’un texte de fiction ? Les I.O. demandent, dés le primaire, de savoir reconnaître la différence ( ! ). L’existence d’un appareil critique (notes, références, disposition typographique...) permet de repérer un texte d’historien. Cette piste permet, en fait, de réfléchir sur le texte que l’élève lui-même écrit.

Qu’est-ce qu’un texte de fiction ? Les textes écrits en " je " sont assez difficiles à définir : souvenirs ou fiction (faux souvenirs) ? Beaucoup de romans sur la Shoah posent ce problème. Souvent, l’élève ne sait plus ou il en est (ex : la récente collection Nathan " Les romans de la mémoire ", vrais romans, fausse mémoire...)

La notion de point de vue est essentielle. On peut repérer les différents points de vue dans un roman (qui parle ?) ; on peut aussi comparer plusieurs romans sur un même thème (points de vue idéologiques) ; on peut enfin distinguer celui de l’auteur de celui de l’acteur

L’absence de romans historiques pour la jeunesse sur certaines périodes est significative (Révolution française, Guerre d’Indochine, Résistance...).

Questions posées :

quelle littérature jeunesse en lycée ?

les B.D. historiques (cf. Glénat)

bibliographie conseillée (A. SIEGAL, La tête de la chèvre, Gallimard / ZAC, Un lourd silence, Seuil / E. BRISOU-PELEN, Gallimard)

Contact : comellia@easynet.fr

Thierry Flammant

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