CONFERENCE DEBAT
L’histoire à l’heure européenne.
Intervenants : G. Chaix, E. Balacheff, A. M Thiesse, C. Grataloup, J.Hook.

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Compte rendu réalisé par Eric Magne

Le débat tournait autour de la pertinence et des enjeux d’une histoire européenne alors que celle-ci devient une dimension marquée des programmes scolaires.

E. Balacheff, enseignante en Seine-Saint-Denis, entame la réflexion en évoquant le décalage et les risques d’incompréhension entre l’origine de certains de ses élèves (extra-communautaire et surtout extra-européenne) et l’histoire européenne qu’elle doit enseigner.

à risque du sentiment d’exclusion

à problème de l’évocation de la colonisation de l’Afrique et des flux migratoires actuels

à problème des valeurs à  transmettre essentiellement judéo-chrétienne et gréco-romaine et les élèves de culture arabo-musulmane

à problème de la dimension spatiale vécue par les élèves (souvent limitée au 93)

Du coup se posent ces questions : comment définir l’histoire européenne, quel modèle d’intégration peut-elle offrir, quelle réalité donner à la citoyenneté européenne ?

A.M Thiesse  poursuit la réflexion en précisant que l’histoire, depuis le 19ème est au service des nations et destinée à favoriser et légitimer la construction nationale. Hier, on enseignait le « ligne bleue des Vosges » et aujourd’hui ce serait donc l’Europe. Cette forme d’écriture de l’histoire, très narrative, très nationale et donc « contre un autre Etat » n’a finalement pas été véritablement remise en cause dans la première moitié du 20ème. Même l’école des Annales s’est « rangée » dans le cadre national.

En 1945, on assiste à un tournant. Le « plus jamais ça » implique de revoir l’enseignement de l’histoire avec la volonté de dépassionner les histoires nationales. Plus récemment, la chute du mur de Berlin a imposé de redéfinir l’Europe. La question de l’identité européenne s’est posée avec encore plus d’acuité. Il y a depuis une réelle volonté de former aux valeurs européennes. Mais cela pose des problèmes :

-         faut-il concevoir l’histoire européenne comme un instrument idéologique de la construction européenne et donc réitérer l’approche du 19ème ?

-         l’histoire doit-elle « servir à » ?

Le programme d’histoire de seconde est révélateur du sentiment que le passé déterminerait donc le présent et l’avenir. Du coup, contre qui écrire l’histoire européenne ? Contre la mondialisation, contre les Etas-Unis, contre la civilisation arabo-musulmane, en niant la concentration de guerre sur 200 ans dans cet espace restreint qu’est l’Europe pour n’insister que sur les valeurs communes ?

C. Grataloup, spécialiste de didactique et géographe précise quant à lui que l’enseignement de l’HG est très contrasté en Europe. Dans les pays à forte identité territoriale (France) l’histoire est associée à la géo. Ailleurs (Allemagne, Grande-Bretagne / Commonwealth) cela ne va pas de soi. En outre, la place de l’histoire dans les cursus peut être très confidentielle. On ne lui assigne pas le rôle qu’elle a en France.

L’histoire et l’enseignement de l’Europe reste un empilement, un puzzle des histoires nationales. Si on fait sauter l’identité nationale, on ouvre le champ des possibles : communautarisme locaux, religieux…. Que choisir ? « Contre qui » l’écrire ? cela reste toujours une question. Le péril jaune en son temps en est un symbole.

Enfin, il faut garder à l’esprit que l’histoire comme la géographie sont pleines de l’inconscient européen. Le découpage continental de la planète est une construction des européens, les 4 périodes historiques (antique, médiévale, moderne, contemporaine) n’ont de sens qu’en Europe.

J. Hook, enseignant de nationalité allemande, termine la réflexion en évoquant son parcours universitaire, symbolique des enjeux de l’histoire de l’Europe d’après guerre en précisant que pour écrire une telle histoire il faut décloisonner les périodes et l’idée nationale.

Il conclut en disant que pour écrire une histoire de l’Europe il faut écrire une histoire universelle.

   Eric Magne

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