Communication : « Les représentations de l’immigré  en France sous la Ve République».
Intervenant : Y. Gastaut.

Voir d'autres
CR

Compte-rendu réalisé par Jean–Luc TINTORRI  

D’après son ouvrage paru au Seuil, « Immigration et opinion sous la Ve République ».

 Après 1945, l’immigration en France n’est plus seulement européenne, mais aussi extra –européenne. Cette nouvelle origine marque les esprits par les différences de modes de vie et la pauvreté des populations.

 1.    Attitude des pouvoirs publics.

La politique d’immigration des pouvoirs publics français débute en 1945. Au fil du temps, elle est liée soit à l’évolution économique (crise), soit aux relations diplomatiques (décolonisation).

Jusqu’au milieu des années 1960, c’est une politique très ouverte : tous les migrants venus clandestinement, à l’appel du patronat, sont régularisés. On ne les appelle d’ailleurs pas « clandestins », mais « spontanés ».

On tente quand même de faciliter l’immigration des « culturellement proches »  et on établit une échelle de préférence :

-          D’abord les Nordiques (mais ils ne viennent pas),

-          Ensuite les Européens (Italiens, Polonais…),

-          Ceux issus de l’Empire français en dernier…

 Les décolonisations ne freinent pas les flux et les autorités en sont surprises. Elles tentent alors de réagir. Contrairement à ce qu’on lit parfois, cette volonté de contrôle précède la crise économique.

Les 1er accords entre la France et l’Algérie pour fixer des quotas (1964) n’ont pas vraiment d’effets et en 1971, une circulaire interdit toutes les régularisations d’étrangers à posteriori. De même, si un étranger perd son emploi, il sera dorénavant expulsé.

Le choc pétrolier de 1973/1974 aggrave la situation et un secrétariat d’Etat à l’immigration est créé en 1974. En même temps qu’il permet un regroupement familial, il veut organiser le retour des étrangers. Cette politique de retour est un échec : les pouvoirs publics n’ont pas imaginé que les migrants puissent s’enraciner.

A partir des années 1983/1984, la droite et la gauche au pouvoir développent trois voies :

-          La maîtrise des flux,

-          La lutte contre les clandestins,

-          L’intégration.

 2.    Attitude de l’opinion publique.

L’immigration fait une entrée tardive dans les débats publics. Peu de monde s’y intéresse jusqu’aux années 1980. En politique, il faut attendre les années 83/85. Le 1er débat d’importance sur ce thème, à la télévision, oppose Jean –Marie Le Pen à Bernard Tapie sous l’arbitrage de Patrick Poivre D’Arvor (1989).

Si l’immigration est absente des débats, la société française n’est pas pour autant épargnée par le racisme : certains immigrés vivent dans des bidonvilles (Nanterre…), certains cafés leur sont interdits, certaines offres d’emploi écartent les gens de couleur… En 1961, le magazine télévisé Faire face, sur le racisme, est présenté avec le carré blanc, et n’aborde que le problème de l’apartheid ou des Noirs aux Etats –Unis…

La levée du tabou sur le racisme marque –t –il pour autant la naissance d’une France plus ouverte ?

 Les représentations de l’immigré sont marquées par plusieurs traits :

·         Une tension entre rejet et accueil.

En octobre 1983, c’est en même temps une Marche des Beurs vers Paris qui rencontre un succès exceptionnel et le meurtre par défenestration d’un touriste algérien dans le Paris –Vintimille (dont Roger Hanin fera Train d’enfer)…

Les immigrés se heurtent à plusieurs types de racisme :

-          le racisme ordinaire, une constante en Histoire,

-          le racisme de crise, qui émane de la crise économique (le travailleur immigré est considéré comme un concurrent), également une constante de l’Histoire (après le 1er choc pétrolier comme pendant la crise de 1929),

-          le racisme colonial ou post –colonial qui fait des anciens colonisés des boucs –émissaires. Pourquoi les Algériens sont –ils sur –connotés péjorativement ? Pourquoi y a –t –il inflation d’images négatives sur les Algériens ? Ils sont victimes des séquelles de la Guerre d’Algérie, récupérées par l’Extrême –Droite. Cette guerre coloniale a suscité beaucoup de rancœur. Et que de monde a –t –elle touché : les appelés et leurs familles, les Rapatriés, les Harkis, les immigrés… !

A côté de ces racismes, beaucoup d’associations anti –racistes soutiennent les étrangers, sans compter l’Extrême –Gauche, les Chrétiens « de gauche », les intellectuels…

·         La thématique de l’identité nationale. La France s’interroge sur son identité.

-          C’est Fernand Braudel, qui écrit « L’identité de la France » dont le dernier chapitre traite de l’immigration.

-          C’est le débat récurrent sur la question du droit de vote des immigrés. Qui peut voter en France ? Vote local ? ou national ?

-          Même chose pour la nationalité. Comment devient –on français ? Jusque vers le milieu des années 1980, la réponse sera le droit du sol. Avec la 1ère cohabitation, le code de la nationalité est réformé puis, en 1993, la notion de volonté est introduite.

-          C’est le débat sur la laïcité avec l’affaire du foulard (1989).

·         De nombreuses idées reçues.

-          Tout d’abord le fantasme du nombre, la peur de l’invasion. Relèvent de ce fantasme l’ouvrage d’Alfred Sauvy « L’Europe submergée » (1987), ou l’enquête du Figaro magazine « Serons –nous encore français dans 30 ans ? » (1985) avec pour illustration Marianne affublée d’un tchador, ou encore la rumeur scientifique sans fondement d’un « seuil de tolérance » qui vise à expliquer (à justifier ?) le racisme…

-          Le fantasme de l’insécurité, qui assimile immigré et délinquant.

-          La peur de l’islam. On fait de l’islam la religion de tous les immigrés. Cette peur apparaît avec la révolution iranienne de 1978. A partir des années 1980, elle se manifeste en contestant les constructions de mosquées.

-          Le fantasme du mauvais contact. Là où il y aurait mélange de population, il y aurait racisme. C’est pourtant, au contraire, l’absence de contact, qui provoque le racisme…

-          Le fantasme de l’impossible assimilation des Maghrébins, par rapport à l’assimilation réussie des Italiens, Espagnols, Portugais…

Jean –Luc TINTORRI

Voir d'autres CR