L'homme apprenti sorcier - Projection-débat.
Animateur : Arte, Jean-Claude Lescure.
Participants : Frédéric Brunquell,
réalisateur du documentaire MORT AUX VACHES, Bertrand Hervieu, président de l’INRA, André Pochon, agriculteur, le Père Ribaud.

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Compte-rendu réalisé par Jean-François Bradu

L e documentaire :

Il date d’un an (année 2000), les chiffres ont donc évolué depuis.
On peut cependant retenir qu’à cette date, le plan d’abattage des animaux de plus de 30 mois avait concerné 4 millions de bovins en Angleterre, que 65 personnes étaient alors décédées de l’ESB au Royaume-Uni et que selon les prévisions 10 000 à 500 000 Anglais pourraient mourir de cette maladie. Un seul animal infecté peut exposer des centaines de milliers de consommateurs (1 mmg de cervelle ou de moelle épinière suffit à transmettre la maladie). Toute l’Europe est touchée par la maladie à cause des échanges triangulaires, ex : en Suisse, 25 animaux malades sur 18 000 testés (l’Europe du marché est plus forte que l’Europe politique).

Le débat :

AP : la publicité qui présente la vache française nourrie uniquement à l’herbe est fausse, mais on ne change pas de politique à cause des pressions des lobbies de l’agro-alimentaire (producteurs de soja de maïs...). Il n’y pas de prime pour l’herbe et une vache nourrie à l’herbe coûte 5 fois moins chère qu’une vache nourrie par l’agro-business.

BH : Le modèle actuel date des années 50-60, la construction européenne s’est faite autour de la sécurité alimentaire. L’Europe était alors déficitaire et il a fallu trouver des solutions qui passaient par l’intensification des productions. La recherche (INRA) a joué un rôle fondamental dans cette orientation, 3 facteurs ont permis cette intensification :

-         En 1946, date de la création de l’INRA, on pensait que la science allait permettre de sortir de l’insuffisance alimentaire.

-         La PAC mit en place une politique incitative très forte (l’agriculture absorbe la ½ du budget de l’UE).

-         Le mouvement social a joué aussi un grand rôle : les agriculteurs se sont appropriés ce projet de modernisation pour entrer dans la société moderne.


AP 
s’étonne que l’on soit passé si brutalement du développement autonome fondé sur la prairie temporaire au productivisme à partir des aliments importés des EU (50 millions de tonnes de soja par an).

PR se réfère à la bible, le « croissez et multipliez » a été mal interprété. Dieu a confié le jardin d’Eden à l’Homme pour qu’il le cultive et le conserve, mais le profit (l’argent) a tout corrompu, on a moins chauffé les farines animales pour faire des économies. Ce n’est plus le politique qui décide mais la finance. L’opinion publique a un grand rôle à jouer pour changer les choses (boycott des produits).

BH : il y a une grande différence entre les pratiques françaises (services publics vétérinaires exigeants) et anglaises (services confiés à des privés qui ont sous chauffé les farines).

AP : la politique de l’UE est incohérente, nous payons (3000F par ménage) pour nous détruire, la prime à l’irrigation est néfaste, l’opinion publique doit se mobiliser pour faire bouger les choses : imposer un nouveau modèle de développement durable, on a l’argent mais on l’utilise mal. Le problème de la qualité de l’eau est crucial en Bretagne, on va bientôt passer au 4ème programme avec des coûts colossaux mais la pollution de l’eau continue. Pour changer les choses il faut la carotte (les primes qui vont dans le bon sens, les agriculteurs ne peuvent se passer de primes, ils changeront leurs pratiques en fonction des aides) et le bâton (la réglementation).

PR : il y a le problème de la qualité mais aussi de la quantité, les peuples indigènes ont le respect de tout ce qui les entoure : la terre, les animaux… rien n’est gaspillé car ils ont conscience que tout est limité.

BH : le thème de l’eau est celui qui mobilise le plus la recherche. La situation n’est pas désespérée, on peut encore trouver un consensus pour changer de cap. Mais le problème réel est comment changer un dispositif dont la France est le principal bénéficiaire, elle reçoit le ¼ du budget agricole de l’UE. En changeant de cap elle ne recevra plus cette manne financière, comment changer sans affaiblir la place de la France au sein de l’UE? Ce n’est pas si simple, intérêt général et intérêts particuliers sont en contradiction.

AP : la France ayant beaucoup d’herbe, elle peut être gagnante même en changeant le système de production, il faut abandonner la politique "cochon + lisier + maïs" qui n’est pas compatible avec le respect de l’environnement, il faut loger les cochons sur litière, ce qui permet de réintroduire du fumier sur les terres de la prairie en rotation.

BH : L’INRA  s’investit dans un programme de recherche d’un nouveau modèle sur 3 axes :

-         une agriculture durable

-         la sécurité alimentaire (état sanitaire des nourritures)

-         les problèmes d’environnement

Mais la recherche publique doit arriver à sécuriser la gestion de la propriété intellectuelle, le débat sur le brevet est très compliqué. Les opérateurs les plus puissants s’emparent des résultats des recherches de l’INRA. Pour les OGM, le problème de l’appropriation des semences est fondamental : qui sera le propriétaire des semences ? Qui décidera de leur utilisation ? Il faut aussi mesurer les risques (pas de conclusions abouties à ce jour) et mesurer les avantages pour les producteurs et les consommateurs.

AP : le coût global de l’agriculture productiviste n’a jamais été fait. Les pollueurs doivent être les payeurs, le projet de loi sur l’eau va dans ce sens, mais faut-il encore que la loi soit votée sans être dénaturée.
Aujourd’hui, les agriculteurs reconvertis sont de plus en plus nombreux et jeunes, ils gagnent plus que les autres, polluent moins et travaillent moins, le processus est enclenché, on peut être optimiste.

BH : L’agriculture est un problème économique, il faut penser que les producteurs envisageront la délocalisation de l ‘agriculture productiviste vers d’autres pays : Inde, pays de l’est… Nous pouvons produire trois fois plus que nous produisons actuellement. La maîtrise de la production n’est pas seulement un problème d’environnement, les pays pauvres doivent conquérir leur autonomie alimentaire.

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