Colloque
de l'observatoire de la biographie historique. |
Compte-rendu
réalisé par
Christine COLARUOTOLO (journal
La Durance)
Journal La Durance : http://ww2.ac-aix-marseille.fr/histgeo/Default.htm
Lors des
Rendez-vous de Blois, un colloque était organisé autour du thème l'historien
biographe et ses sources. Nicolas Werth, un des intervenants, fait le
point sur la place du genre biographique dans la soviétologie et dresse le
bilan des apports récents de la recherche depuis l'ouverture des archives de
l'ex-URSS.
Selon Nicolas Werth, la soviétologie a longtemps oscillé entre une hyper
conceptualisation et une hyperpersonnalisation. La première tendance fonde ses
études sur le postulat du totalitarisme. La seconde attribue les faits survenus
à quelques Grands Hommes.
Le genre biographique se limite, avant l'ouverture des archives, à quelques
personnages comme Lénine auquel il a été consacré plus de 120 biographies,
Staline, Khrouchtchev, laissant dans l'ombre Kirov (1 biographie) ou Molotov.
Cette approche reflète les sources disponibles et explique en même temps les dérives
(criminologie...).
L'ouverture des archives de l'ex -U.R.S.S, au début des années 1990, a permis
de dépasser les querelles entre l'école totalitariste et le courant révisionniste
américain. Le genre biographique délaissé, cède depuis la place, à un
nouveau questionnement sur l'histoire politique et sociale domaine profondément
renouvelé.
Les recherches récentes permettent de réévaluer la place de Staline dans le
processus décisionnel. La découverte de son agenda personnel permet de mieux
connaître ses interlocuteurs et aussi de mettre fin à certaines légendes.
Ainsi, au début de l'invasion de l'URSS en 1941 a été dressé, d'après les mémoires
de Kirov, le portrait d'un Staline prostré. Or, l'étude de son agenda démontre
qu'il a au contraire une activité soutenue (19 heures à 21 heures par jour).
De même, les nouvelles archives ont permis de reconstituer la genèse de la loi
du 7 août 1932 loi 7-8 qui condamne à 10 ans de goulag le vol de la
propriété socialiste. Les dossiers personnels des membres du Parti révèlent
notamment les examens, véritables rites de passage, qui rythmaient périodiquement
la carrière des cadres.
Les fonds Lénine dont une grande part des documents, ne figurant pas
dans les Oeuvres complètes seraient inédits, ont donné lieu à un retour
temporaire du genre biographique aux débuts des années 1990. Lénine est alors
présenté comme un criminel à la solde de l'Allemagne. Ces publications
s'inscrivent dans une nouvelle vision de l'histoire soviétique, élaborée dans
cette période, fondée sur une mythification de la Russie Tsariste pré-révolutionnaire.
Riche et laborieuse la Russie, aurait été détournée un jour
fatal de 1917, par un coup d'Etat qui aurait conduit à l'installation d'une
dictature sanglante pour réaliser les préceptes d'une doctrine étrangère
au peuple russe le marxisme-léninisme.(1)
Au travers de ces ouvrages, victime plus acteur, le peuple russe pouvait
se libérer du poids insupportable de la culpabilité et du repentir qui avaient
marqué les années de la perestroïka Gorbatchévienne(1).
Si révolution archivistique il y a, Nicolas Werth, se demande si elle a débouché
réellement sur une révolution historique. Les récentes recherches, conclut
l'historien, ne bouleversent pas ce que les soviétologues les plus lucides
avaient déjà compris. Les mythes restent les plus puissants surtout vus de
l'extérieur.
(1) Nicolas Werth d'après les travaux de M Ferreti. Revue d'études
comparatives Est-Ouest,1999,vol.30, n°1.
Christine COLARUOTOLO