Enseigner la vérité historique, une utopie? Conférence de l’Inspection générale
de l’Education nationale, prononcée par
DOMINIQUE BORNE |
Compte-rendu
réalisé par Ghislaine Desbuissons, IA-IPR
de
l'Académie d'Orléans-Tours.
Pour
les élèves, le professeur dit vrai ; la relation entre professeurs et élèves
tourne autour de la vérité.
Quand
on s'intéresse à des faits, à des dates, il est plus facile de dire le vrai
(voir le travail de Duby) mais l'objet de l'histoire s'est modifié. Elle s'intéresse
maintenant aux relations entre différents éléments. Il n'y a plus l'ambition
d'une histoire totale. Exemple : l'ouvrage de ROCHE sur la France des Lumières
vise à atteindre la réalité d'un vécu mais "ce que nous pouvons saisir
et interpréter".
Dans
son dernier ouvrage, La Mémoire, l'Histoire, l'oubli (Le Seuil, 672 p.),
Paul RICOEUR distingue trois moments de l'opération historique : la phase
documentaire, l'explication et la compréhension, la mise en forme littéraire.
Dans toutes ces phases, il y a une intention historienne de
reconstruction vraie du passé. C'est la question qui institue le document, qui
ne "parle" pas en lui-même. Des "procédures de vérité"
sont mises en œuvre (vérification) et il est important de dire que ces procédures
existent, contre les révisionnistes.
Quels
rapports avec les élèves et avec l'enseignement ?
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L'histoire est une discipline critique
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Il faut faire du récit en histoire (tout récit résulte nécessairement
d'un choix donc on ne peut pas dire qu'il est vrai ; on a cependant un souci de
vérité et d'intelligibilité)
(Ces
deux propositions sont vraies ensemble malgré une contradiction apparente)
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Le statut du document : certains documents sont vrais (cf. les documents
"patrimoniaux")
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Il faut expliquer aux élèves la démarche historiographique
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Ex : la guerre 1914-1918. Son enseignement a varié depuis 40 ans. Il
s'agissait d'abord de rechercher les responsables puis les causes
(lointaines/proches). "On oublie que la guerre de 1914 est
inexplicable", ce sont les historiens qui le disent. Ce sont les
souffrances et les malheurs qui sont maintenant au cœur de l'enseignement de
cette guerre.
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Ex : la Révolution Française. L'explication en terme de causes,
d'origine, est un "piège de vérité" : risque de déterminisme.
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Expliquer comment ça s'est passé et pourquoi mais montrer aussi que ça
aurait pu se passer autrement.
Selon RICOEUR,
quel rapport entre Histoire et Mémoire ?
L'histoire
peut tuer la mémoire (si trop critique) ou réconcilier ou apaiser des mémoires
blessées. L'histoire jouerait parfois un rôle de psychanalyse de la mémoire
(cf. Vichy). Où est la vérité, histoire ou mémoire ? Difficile de trancher.
Certaines mémoires fondent des communautés : comment leur dire qu'elles sont
mensongères ?