RENDEZ-VOUS
DE L’HISTOIRE |
Compte-rendu
réalisé par Danielle
Fauth,
professeur
d’histoire géographie au collège des Provinces et au lycée Augustin Thierry
de Blois.
Cette
année encore, ces Rendez-Vous ont été à la hauteur de mes espérances. Vous
pensez ! Les utopies ! Il y avait de quoi faire,
pour les soixante-huitards, nostalgiques
ou pas, honteux ou pas d’être rentrés dans le rang… J’avais retenu, avec une sorte de
boulimie, le féminisme, les utopies communistes, l’humanitaire
et même un peu de pédagogie. Le résumé de toute une vie ou
presque !
Quelle
fête ! Des bouquins à profusion, des têtes connues, des noms célèbres
sur lesquels mettre un visage, des inconnus dont on retiendra le nom, de l’Histoire
partout. Drôle, grave, vivante, savante, anecdotique, théorique, événementielle,
analytique, jubilatoire, émouvante. De l’Histoire, quoi !
Et
puis des retrouvailles. Copains perdus de vue, anciens élèves, dont certains
devenus profs d’Histoire à leur tour, anciens stagiaires, anciens collègues
retraités, vieilles connaissances, avec qui on prend rendez-vous pour se
téléphoner et se faire une bouffe, et qu’on reverra de toutes façons, en
octobre 2001
Se
retrouver dans un amphi de fac (les nôtres étaient moins confortables, il
n’y avait pas de tablettes pour écrire, mais il y faisait tout aussi chaud !),
prendre des notes comme un collégien, côtoyer des petits jeunes un peu
boutonneux, des petits vieux encore verts, des comme nous, dont on trouve
sarcastiquement qu’ils ont grossi, vieilli, blanchi (rayer la mention inutile !),
rien que des émotions à fleur de peau
Quel
pied, d’écouter des gens « intelligents », d’apprendre plein de
choses, de voir où en est la recherche sur un certain nombre de questions
cruciales, de se rendre compte de tout ce qu’on a oublié, de se dire « tiens,
il faudra que j’achète ce bouquin… », d’imaginer à quel moment on
parlera de ce qu’on vient d’entendre aux élèves ou aux copains absents
Tout
cela semble bien naïf, peut-être . J’assume ! Pas blasée pour un
sou, j’aime bien me laisser porter par l’événement et me réjouir qu’à
Blois, il se passe des choses aussi chouettes.
Ceci n’est
pas une contribution scientifique…
J’ai assisté à la conférence de Sylvie Brunel
pour les scolaires. J’avais fait l’article à mes 2 classes de 3ème
pour qu’elles se tiennent tranquilles. Et comme on ne prend jamais assez de précautions,
j’avais demandé un compte-rendu écrit…
Comme l’an dernier, Sylvie Brunel a été lumineuse. De toute sa
personne émane une humanité, une chaleur, une persuasion, qui ont séduit mes
potaches. Disponible, accessible, à l’écoute, elle a fait passer un message
clair avec de réels talents de pédagogue.
Quoi de plus explicite pour montrer ce qu’est la faim, que de faire mesurer aux jeunes un périmètre brachial de 12 centimètres ! Même le plus égoïste et le plus goguenard en est suffoqué ! « C’est où, Madame, la Sierra Leone ? », ont-ils demandé, à leur retour en classe. Ils avaient même retenu le nom du pays où Action Contre la Faim est intervenue !
Le message est bien passé . Oui, la terre peut nourrir tous ces
habitants. Oui, les famines sont souvent organisées par les gouvernements pour
des raisons politiques, lorsqu’elles ne sont pas tout bonnement mises en scène,
« exposées ». Oui, il faut acheter les produits cultivés dans les
pays en développement. Les cultures vivrières, ça ne marche pas forcément
mieux…
Lorsque Sylvie Brunel s’est tue pour passer un film, le charme s’est
rompu. Saturés d’audiovisuel, les élèves ont cessé d’être attentifs,
comme si, seule la parole vraie d’un être humain en chair et en os, pouvait
traduire la souffrance d’autres êtres humains…
Changement de décor. Au Maryland , débordant de monde, la même Sylvie
Brunel, accompagnée de Françoise Giroud, essaient de faire passer le même
message que le matin. Déception. Le monde des adultes, plus cracheur dans la
soupe, tu meurs, ne se laisse pas faire. Et on
parle de bonne conscience, et on reproche
d’apporter une aide sélective, et on brandit le mot charité. Françoise
Giroud, bien plus à l’aise avec une plume, se laisse emporter par
l’animosité des uns, Sylvie Brunel tente de se justifier devant les autres.
Entre ceux qui trouvent qu’elle n’en fait pas assez, et ceux qui lui
reprochent de ne pas s’occuper de la misère en France, elle tangue, puis
renonce. Dire que pendant ce temps, ailleurs, on parlait d’utopie…
J’ AI BIEN
AIME…
L’expo
photo sur la crise de 1929 aux Etats-Unis. Une réussite. Les photos de
Dorothea Lange vous prennent aux tripes. Comment oublier le visage de cette
« Migrant Mother » . Certes on le voit partout, dans les livres
d’histoire et ailleurs. Mais saviez-vous, qu’elle n’avait que 32 ans
lorsque la photo fut prise. La misère, décidément n’a pas d’âge. Que
ceux qui ont aimé ces tranches de vie aillent à Clervaux, au Luxembourg.
Des photos de Steichen, de la série « The Family of Man » émanent
la même poignante humanité.
La
conférence de Michèle Riot-Sarcey sur le féminisme, qui serait une
utopie. Pour faire bonne mesure, j’ai assisté aussi
au débat sur l’égalité hommes-femmes. Alors je ne sais plus où
j’ai entendu ce que j’ai retenu. Mais quel régal, que d’écouter
Jean-Claude Kaufmann expliquer les avancées significatives du féminisme
dans le domaine des travaux ménagers !!! Depuis une vingtaine d’années,
les hommes interviendraient exactement 18 minutes de plus …par semaine
pour effectuer les tâches domestiques. Encore, s’agit-il plutôt
de faire tourner des machines, que de passer la serpillère ! La durée
de la vie s’allongeant, on peut garder espoir !
La
conférence d’Alain Touraine. J’ai pas tout retenu,
et pas tout compris. Mais l’idée que les utopies, avec leur besoin
de systématiser, contenaient des germes de totalitarisme,
je ne l’oublierai pas !
Le
débat « le
communisme, une utopie », fut passionnant de bout en bout. Je me
souviens particulièrement du témoignage de Jean-Michel Gaillard. Le récit de son enfance dans
une famille d’instits staliniens fut un morceau d’anthologie !
Dominique
Borne s’est bien débrouillé, lui aussi, avec la « vérité
historique ». Je ne sais toujours pas s’il est possible d’enseigner la
vérité historique, mais je vais continuer à enseigner l’Histoire, aussi
bien que possible…