Utopie éducative, utopie pédagogique

Débat parrainé par Le Monde de l’Education Rendez-Vous de l'Histoire de Blois le 13 octobre 2000.
Animateur : ANTOINE PROST, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne  
Participants :
PIERRE CASPARD, directeur du service d’histoire de l’éducation, INRP, MARCEL GRANDIÈRE, professeur à l’Université d’Angers, JEAN-NOËL LUC, professeur à l’Université Paris-Sorbonne, ANNE-LINE ROCCATI, rédactrice en chef du Monde de l’Education  
Les utopies éducatives proposent un idéal éducatif qui n’implique pas nécessairement la forme scolaire. Les utopies pédagogiques proposent une école idéale en contraste avec l’école réelle. Mais beaucoup d’utopies pédagogiques reposent sur des utopies éducatives. Comprendre cette articulation paradoxale est l’enjeu de ce débat.  

Compte-rendu réalisé par Ghislaine Desbuissons, IA-IPR de l'Académie d'Orléans-Tours.

Points communs de toutes les utopies :

 -         Toutes les cités idéales sont organisées par un maître supérieur

-          L'éducation est essentielle pour convaincre sans employer la force

-          On se méfie de la fonction parentale. Les parents sont soit expulsés de la cité (cf. Platon), soit exclus de l'éducation de leurs enfants

-          Les programmes sont définis à priori, les horaires sont stricts. Méthode ? L'apprentissage rapide dans la joie. On fait passer l'éducation (construire un citoyen) avant l'instruction.

-          Pas de contraintes économiques, pas de problèmes de partage des richesses.

-          La cité est immuable, elle ne connaît aucun changement mais elle se reproduit car elle est parfaite.

 Au XVIIIème siècle, on a l'idée qu'une éducation bien conduite ne peut pas échouer. Les maîtres doivent façonner les élèves.

Remarque : Le journal d'un maître d'école d'un village de 500 habitants (fin XVIIIème) publié récemment montre que la quasi totalité des enfants entre 6 et 12-14 ans est scolarisée.

Qu'est-ce qui est retenu des utopies dans les pédagogies ?

L'école est le dispositif de non-rupture entre les générations. Or, la culture est perçue par les élèves comme conventionnelle, arbitraire et contestée. Un mouvement communautariste réduit les valeurs à celles d'un groupe : c'est une négation de la culture. Les valeurs vraiment importantes sont universelles.

Les traits communs de toutes les pédagogies nouvelles (Montessori, Freinet,…) :

-          On apprend en jouant

-          On met entre parenthèses les contraintes sociales

-          On valorise les disciplines scientifiques.

-          Beaucoup d'acquis se font par l'observation, la manipulation (cf. L'Emile de Rousseau : "je hais les livres").

Remarque : une année = 8500 heures. Les enfants passent environ 900 heures par an, donc 10% de leur temps, pas plus, à l'école. Les enfants passent plus de temps dans leur famille qu'aux XVIIIème ou XIXème siècles où ils travaillaient. Il est important de différencier les groupes sociaux dont on parle.

Pour Antoine Prost, le style éducatif a complètement changé : l'enfant est au centre du système éducatif. L'exercice de l'autorité était lié à des contraintes objectives (réaliser telle ou telle tâche). Maintenant, tout est négocié. Comment négocier l'entrée des enfants dans la culture, notre héritage ? Il est impossible d'imposer la culture, d'autant que l'autorité du maître décroît. L'éducation se dévalorise, on est obligé de mettre en avant l'utilitaire (mais pas toujours crédible). Alain développe l'idée que l'acquisition du savoir n'est pas un plaisir, il oppose travail et plaisir. Pour lui, le travail de l'élève est essentiel car formateur alors que le cours magistral ne laisse qu'un souvenir.

 Liens vers les comptes-rendus disponibles, année 2000

Enseigner les utopies urbaines des XIXè et XXè siècles
L'idée d'Europe au XIXème siècle ou comment une utopie devient réalité
Utopie éducative, utopie pédagogique
par Ghislaine Desbuissons
Utopie éducative, utopie pédagogique 
par Jean Sérandour
Qu'est-ce qu'un lieu de citoyenneté?
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Le féminisme est-il une utopie?
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L'ouverture des archives soviétiques par Françoise FERNANDEZ
La cité aujourd'hui, entre rêve et réalité
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L’anthropologie historique du bonheur au temps des Lumières
Utopies et révolutions : des Lumières au XIXe siècle  
Réflexions et coups de cœur de Danielle Fauth
Mondialisation et utopie
Churchill entre histoire et légende
zéro accident, une utopie ?