ÉDUCATION, HISTOIRE ET IDENTITÉ DE L'EUROPE
A l’occasion des « Rendez-vous de l’histoire » organisés chaque année par la ville de BLOIS, un séminaire européen a réuni des historiens et des responsables de l’éducation sur le thème « apprendre l’histoire de l’Europe ». L’ambition en est de réfléchir aux moyens de développer chez les jeunes Européens, la conscience d’une histoire partagée et qu’il faut transmettre, enseigner et apprendre.
Des personnalités politiques européennes exposent leurs convictions et leurs actions, et débattent des liens entre éducation, histoire et identité européenne
Table ronde animée par :
Anne Line Roccati, le Monde de l’éducation
Avec la participation de :
Viviane Reding, commission européenne
Manuel Maria Carillo, Portugal
Oskar Lafontaine, Allemagne
Jack Lang, ministre de l’éducation nationale, France
Jorge Semprun, Espagne
Jacques Attali, France
Jean Pierre Rioux, inspection générale de l’éducation nationale

Compte-rendu réalisé par Geneviève MALGOIRE (journal La Durance)
Journal La Durance :
http://ww2.ac-aix-marseille.fr/histgeo/Default.htm

                                                         Anne Line Roccati lance le débat par une question : « La construction européenne est en cours, peut-on parler aujourd’hui d’une histoire commune de l’Europe ? Si oui, comment peut-on l’enseigner ? »

Jacques Attali répond en énumérant 3 mythes fondateurs de l’histoire de l’Europe que les enfants peuvent apprendre :
-Les Européens se sont battus entre eux
-Les Européens ont eu des actions communes ( la découverte des continents)
-Les Européens ont construit des édifices de valeurs qui sont propres à l’Europe (la DDH par exemple )
Mais ces mythes sont difficiles à enseigner car ils représentent l’histoire des idées et les approches sont differentes.
                             Le débat s’est ensuite orienté vers la notion d’identité européenne.
L’intervention d’Oskar Lafontaine fut attentivement écoutée : l’identité ne peut se faire que si elle est basée essentiellement sur la paix, elle ne peut s’installer que par la soif et le désir de vivre ensemble dans une société européenne qui aurait à la fois une culture commune (par l’identité de l’Europe )et à la fois une culture différente( par l’identité de chaque pays ). Il est essentiel et capital de pouvoir créer cette identité elle sera le garant de la paix. Jacques Attali lui aussi approuve cette définition et affirme que construire cette identité c’est se mettre à la place de l’autre, le comprendre et l’accepter, c’est bien que parce que cette identité n’existe pas que l’Europe s’est déchirée.
                            Anne Line Roccati pose alors la question : comment enseigner cette identité européenne ?
Selon Madame Reding l’unicité d’un enseignement n’est pas nécessaire, en effet pour l’enseignant il faut partir de la situation géographique dans laquelle se trouve l’enfant, c’est à dire sa région puis aller ensuite vers la nation puis vers l’Europe. Elle démontre que les régions frontalières et les régions centrées au cœur d’un pays n’ont pas la même vision de l’histoire.
                            Madame Roccatti demande alors aux intervenants s’il n’est pas bon de faire rêver les enfants sur l’Europe ?

Jack Lang bondit sur cette idée de rêve et la trouve très séduisante, les enfants peuvent en effet nous aider à la construction d’une histoire de l’Europe par leur vision et leur espérance. Il ajoute que l’Europe ne peut-être vivante que si elle est ressentie comme lieu de grande culture. et non plus seulement comme lieu de terribles affrontements. Enfin l’histoire racontée à nos enfants, pour relativiser les évènements, doit être comparée ( ainsi Marignan 1515 est célèbre en France alors qu’un enfant de Milan l’ignore. ) ce n’est que par ce biais que les hommes pourront se comprendre.

                             -Pour terminer Anne Line Roccati interroge les participants sur le poids de l’émergence des régions dans l’enseignement d’une histoire de l’Europe, Et ce poids est-il compatible avec une construction de l’identité européenne ?

Madame Reding explique qu’un phénomène n’exclut pas l’autre ; ainsi au Luxembourg on vit ensemble en apprenant des langues et des cultures differentes, en apprenant l’originalité de l’autre on apprécie sa richesse.

Oskar Lafontaine pense que l’échange et l’expérience quotidienne des peuples doivent amener à l’identité commune.

Jack Lang termine cette séance par une conclusion qui résume les idées exposées mais aussi par des pistes de recherche pour l’avenir.

L’histoire de l’Europe doit être beaucoup plus présente dans notre enseignement, il faut cependant se garder de sombrer dans les clichés ou les idées toutes faites, il faut oser regarder les choses en face et oser dire que l’enseignement de l’histoire a connu des manipulations lors de la construction des états nations et pour raconter l’histoire européenne il faut en finir avec cet état d’esprit. Cette nouvelle histoire doit être créative, vivante, ambitieuse, provocatrice elle doit introduire la relativité et former les enfants à la comparaison.

Alors comment enseigner cette histoire ?

trois pistes de recherche sont proposées par le ministre susceptibles de faire avancer les idées.
-Des experts vont se charger de «  fouiller » les livres d’histoire en Europe
-Des experts vont travailler sur une Histoire et plusieurs mémoires
-Des experts vont se pencher dans un premier temps sur un évènement commun à plusieurs pays et y mettre differentes mémoires.

Voilà des sentiers prometteurs et engageants !

Monsieur le ministre demande à Jean Pierre Rioux de réfléchir aussi sur le rôle décisif des nouvelles technologies ( qui peuvent remplacer les livres car dès aujourd’hui un manuel commun semble prématuré ) et de constituer avec les historiens européens un groupe de réflexion : quelle histoire ? quel contenu ? quelle méthode ?

Les principales conclusions de cette rencontre pourraient être présentées pour adoption par la présidence française à l’ensemble des Ministres européens de l’éducation qui se réuniront à Bruxelles le 9 novembre.   

Geneviève MALGOIRE écrire
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